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SPECIAL RADIO Est publié d’une aimable permission de la revue IMPROJAZZ #103 mars 2004
Sergey LETOV |
Sergey Letov est un personnage tout à fait singulier de la scène des nouvelles musiques russes, et certainement l’un des saxophones les plus puissants de la scène internationale. Son apparence excentrique – visage de savant fou, pieds nus et barbe de prophète, crinière rebelle et regard rieur, diablement perçant, costume fantasque et voix étonnamment douce – abrite en effet une personnalité rare, pétrie des contrastes les plus vifs qui tous, se traduisent en musique…
Sergey est né le 24 septembre 1956 à Semipalatinsk, dans l’est du Kazakhstan, mais grandit à Omsk, en Sibérie Occidentale. Ses parents, qui chantent en amateurs des romances russes, le pousse à apprendre le piano. Parallèlement, il suit des études de chimie, physique et mathématiques et termine major du concours Olymiada à quatorze ans, ce qui lui ouvre les portes de la School for Talented Children de Novosibirsk, école dont il sera pourtant expulsé avec interdiction de passer l’examen final en raison de son mauvais comportement : ayant organisé une séance de lecture musicale autour du Maître et Marguerite, de Mikhail Boulgakov, les Autorités ont accusé Letov de faire de la propagande religieuse… De ce fait, il emménage en 1979 à Krasovo, dans la banlieue de Moscou, et intègre l’école de chimie de la capitale dont il décroche un diplôme portant sur les matériaux composites et les gaz rares, avant de travailler pour l’Institute of Aviations Materals entre 1980 et 1989. Il créera quatorze inventions brevetées dans le domaine de la technologie spatiale, qui seront utilisées dans les systèmes de protection thermique des véhicules spatiaux – notamment lors de la construction de la navette spatiale russe « Buran »… Parallèlement, dès son arrivée aux abords de Moscou, le cours de la vie de Sergey Letov va prendre une tout autre direction… vers d’autres formes d’expérimentations en somme.
« J’ai commencé à écouter la Voice of America à la radio et, à l’écoute des programmes, j’ai eu envie de me mettre au saxophone. A cette époque, je venais de divorcer d’avec ma femme. J’avais besoin de quelque chose qui puisse combler ce vide… alors j’ai choisi le saxophone alto, qui me permettait d’exprimer mon émotion. » 1 Letov élargit rapidement sa palette instrumentale à toute la famille des saxophones, puis à la clarinette basse.
« J’ai commencé à jouer du saxophone en autodidacte, à l’âge de vingt-quatre ans. J’ai obtenu un diplôme de saxophoniste et de chef d’orchestre de la section d’instruments à vent au Tambov Musical College en 1987. Ceci dit, mes musiciens favoris sont Ornette Coleman, Evan Parker, Roscoe Mitchell, John Cage, Sofia Gubaidulina et Yuri Parfenov. Tous m’ont influencé, ainsi que Sergey Kuryokhin et Vladimir Chekasin. » 2 En fait, l’apprentissage de l’instrument pour Sergey Letov, se réalisera bien davantage en situation de concert que dans le cadre de cours reçus au conservatoire de musique ; à peine deux ans après avoir emmanché un saxophone pour la première fois, il participe à son premier concert : en mai 1982, le batteur Mikhail Zhukov l’invite à se joindre au Percussion Ensemble de Mark Pekarsky, pour lequel il joue du baryton.
C’est à cette époque que son frère Igor, né le 10 septembre 1964, s’installe chez lui et commence à étudier les percussions sous l’égide de Mikhail Zhukov. Le trio, augmenté d’un second saxophoniste – le propre frère de Mikhail – forme le Non-Light Music Orchestra, soit deux paires familiales antagonistes avec deux souffleurs et deux percussionnistes. Le groupe donne quelques concerts dans les milieux underground de Moscou en 1982. Puis Sergey offre une basse électrique à son frère, qui peu à peu s’éloignera des musiques improvisées : Igor repart à Omsk et s’immerge dans le rock underground. Il fondera un groupe de musique punk qui ne tardera guère à faire parler de lui : Civil Defense (Grazhdanskaya Oborona)…
En fin d’année 1982, Sergey Letov fait une tournée en Estonie avec Vladimir Yerokhin (sax, vln, cl, tp) organisée par une mission œcuménique : ils se produisent dans les églises luthérienne de la région.
Dès lors, Letov multipliera ses activités musicales tout au long de la décennie, devenant ainsi l’un des musiciens les plus actifs de la scène russe.
Peu après son retour, il rencontre l’inévitable Sergey Kuryokhin. Leur premier concert en commun, donné en décembre 1982 à la House of Architect de Leningrad, au 47 de la rue Herzena, se révèle plutôt ambitieux puisqu’il propose la confrontation d’un double quartet : celui de Letov avec Valentina Goncharova (vln), Mikhail Zhukov (dm), Svetlana Golybina (p) et celui de Kuryokhin avec Viktor Tsoi (g), Boris Grebenshchikov (elg), Sergey Bugaev « Afrika » (perc), pour une musique totalement improvisée assénée après une séance de déclamation de textes de poètes avant-gardistes locaux tels qu’Arcady Dragomoschenko ou Vladimir Stratanovsky…
Pendant dix ans, jusqu’en 1993, Sergey Letov restera le partenaire privilégié de Kuryokhin. S’ils se retrouvent en 1983 dans les eaux troubles de l’Aquarium de Grebenshchikov, ils tournent en duo dès 1985 et enregistrent ensemble la seconde face du disque Polynesia : Introduction to History en 1988. Mais c’est surtout dans le projet phare de Kuryokhin que Letov tiendra la plus grande place : l’aventure des Pop-Mechanics. « Les Pop-Mechanics consistaient en un groupe réuni autour de Kuryokhin, invité à jouer sa musique. La plupart des musiciens étaient issus de groupes de rock de Leningrad ; j’étais le seul venant de Moscou. Kuryokhin était responsable de la composition et de la direction du groupe, j’en étais le soliste attitré. Notre duo accompagné d’une section rythmique formait le Small Pop-Mechanics, et devenait le Big Pop-Mechanics lorsqu’on y ajoutait des cuivres, des cordes et des instruments à vent. Il y a eu plus d’une centaine de concerts… malheureusement, seule une poignée a été enregistrée. » 3
Hormis sur quelques disques des Pop-Mechanics édités pour la plupart après la mort de Kuryokhin, on peut entendre les fruits de leur collaboration mutuelle sur Spectre of Communism et Tragedy in a Rock Style… ce qui effectivement, au vu de l’importance tant qualitative que quantitative de cette collaboration, reste hélas fort maigre !
Outre Sergey Kuryokhin, Letov ne tarde guère à fréquenter deux figures phares des musiques improvisées soviétiques. Comme bon nombre de free jazzmen russes, Letov côtoie lors de ses séjours à Leningrad le critique et philosophe Efim Barban. « Alors que j’étais plongé dans les musiques d’Ornette Coleman et d’Eric Dolphy, il m’a fait découvrir Evan Parker et Derek Bailey. J’étais sous le choc ! Il m’a affirmé qu’il y avait un type, un seul, qui jouait cette musique en URSS. Un gars de Smolensk… » 4 La rencontre avec Vladislav Makarov en 1983 s’avère pour Letov tout aussi déterminante que celle de Kuryokhin. Ensemble, ils vont sévir pendant quatre ans à travers toute l’URSS, que ce soit en duo ou en trio avec les batteurs Alexander Kondrashkin ou Michael Yudenich. Les disques Recordings 1983-1984 with S. Letov and V. Makarov, Antonius’ Birthday Party / Andropov’ Death (tiré d’un concert clandestin à Riga, février 1984) et In Riga, Hamburg offrent de rares et précieux témoignages des musiques de cette période. La collaboration entre Letov et Makarov, bien que moins fréquente à partir de 1986, se poursuit encore aujourd’hui ; elle est ponctuée de deux cds en duos, Psycho et The Hand. – Comprehensible Introduction in Deconstruction, gravés à quatorze ans d’intervalle.
En 1984, Letov fait la connaissance de Valentina Ponomareva dans l’appartement du compositeur Sofia Gubaidulina. Ils se produisent ensemble pour la première fois l’année suivante, à Novosibirsk. Depuis, comme c’est le cas avec Vladislav Makarov, leur collaboration se poursuit, de manière éparse mais fidèle, et chacun est régulièrement invité à prendre part aux projets de l’autre. Ainsi Sergey Letov apparaît-il sur Temptation pour quelques foisonnantes prises de becs, puis sur Intrusion le temps d’un vaporeux duo psychédélique : flûte / clarinette basse angoissée (Letov) – voix extatique (Ponomareva). Sur Forte enregistré une décennie plus tard, tous deux sont accompagnés par la violoniste américaine LaDonna Smith. De son côté, Letov a consacré un disque entier à leurs travaux, intitulé Collected Works et édité sur son propre label Pentagramma. Il s’ouvre sur une performance de leur duo enregistré lors du festival de Zürich, le 24 juin 1989, un complément du magnifique extrait du même concert paru sur le coffret Conspiracy. Suivent trois morceaux datés de 1987 : une immersion en apnée dans un monde sub-aquatique avec Vladislav Makarov et deux onomatopées musicales en quartet avec à nouveau le violoncelliste et le batteur Michael Yudenich. Le trip hallucinatoire gravé avec le Russian-Ucrainian Project figure aussi sur Arkhangel’SK’ 95 ; le disque se clôt sur un trio Letov / Ponomareva / LaDonna Smith.
En 1985, Letov forme Tri-O, un groupe entièrement constitué de joueurs d’instruments à vent avec le corniste Arkady Shilkloper et le tubiste Arkady Kirichenko, et qui, malgré quelques changements de personnel, reste actif vingt ans plus tard. Au fil des ans, Tri-O s’avère incontestablement être l’un des emblèmes les plus brillants du free jazz russe 5.
Extrêmement prolifique musicalement au cours des années quatre-vingts, Sergey Letov ne se contente pas d’enflammer les scènes d’avant-garde, du free jazz et des musiques improvisées, mais multiplie aussi les incursions dans le rock expérimental avec des groupes comme Aquarium, Alisa, DDT, Centre, Do Major, et surtout DK : « Le leader du groupe, Sergey Zharikov, en était le batteur et le chanteur. On nageait dans un underground conceptuel et postmoderne qui mêlait allègrement rock, pop music soviétique, free jazz, musique contemporaine et“ rock in opposition”. L’esprit principal de DK était axé sur la déconstruction du “mythe soviétique”. C’était certainement le groupe le plus underground de l’époque 1981-1990 en URSS, bon nombre de cassettes circulaient sous le manteau, extrêmement populaires, mais il n’y a eu pratiquement aucun concert… J’ai enregistré avec eux entre 1984 et 1989 et m’occupe depuis 1998 de la restauration sonore des archives du groupe pour des rééditions en cd. » 6 Si les productions de 1984 s’inscrivent dans un style post-punk à l’instrumentation plutôt sommaire, elles se bonifient autour des années 1986-88 en proposant un rock plus expérimental, basé sur le collage d’éléments les plus dissemblables : extraits de discours de Lénine, de Brejnev, soixante-dix-huit tours rejouant chansons populaires des fameux Vocal Instrumental Ensembles du folklore soviétique ou opéras rayés, rock alternatif et miettes d’une œuvre de Richard Strauss, improvisations libres et bouffées délirantes (petites discussions et hurlements, chorale de vieillards, voix nasillarde qui beugle à la manière des Residents…) : autant de bande-sons imaginaires d’une mauvaise série télévisée, reflets à peine déformé du théâtre de la vie quotidienne… Ces kaléidoscopes musicaux sont faits d’agencements de morceaux qui, bien que d’une durée généralement assez brève (une à quatre minutes en moyenne), nous laissent cependant le temps de l’imprégnation dans les divers milieux sonores sans sensation de ballottement ; on passera pourtant bien par exemple d’un duo flûte / violon distendu à une chanson de marin très kitsch à une demi-symphonie sans transition aucune.
Après sa virulente critique du communisme avec DK dans les années quatre-vingts, Sergey Zharikov délaissera bien malheureusement la musique pour la politique : on le retrouvera quelques années plus tard conseiller au National Radical Party, un mouvement néo-nazi, prêt à s’engager dans une nouvelle « guerre sainte » 7… alors : conviction réelle ou bouffonnerie assumée ? « Zharikov n’est évidemment pas un nazi. Il est très difficile de définir ses positions politiques, idéologiques et artistiques. En fait, il est très proche des conceptualistes 8, mais pas de manière académique. Un conceptualiste autodidacte, si l’on veut ! C’est l’écrivain russe Vladimir Sorokin, conceptualiste lui-même, qui m’a fait découvrir DK. C’est devenu un groupe culte. L’idée fondamentale de Zharikov réside dans la déconstruction des mythes. Il s’est d’abord attaqué à l’idéologie soviétique, puis aux « sub-cultures » punk et rock, et plus tard, au nationalisme. Les nationalistes purs, tels qu’Alexander Dugin, le détestent. » ç
En 1988, un concert de Pop-Mechanics à Imatra, en Finlande, donne à Sergey Letov l’occasion d’effectuer son premier voyage à l’étranger. En juin 1989, il est invité à participer au premier festival (hors URSS) entièrement consacré au jazz russe : le Soviet Avant-Garde Jazz Festival organisé par Susanna Tanner à Zürich. Letov s’y produit avec son groupe Tri-O, en duo avec Valentina Ponomareva et avec le groupe Swiss Soviet formé pour l’événement et qui comprend : Stephen Wittwer (g), Hans Koch (sax), Vladimir Tarasov (dm), Valentina Ponomareva (voc), Werner Ludi (sax), Arcady Kirichenko (voc, euphonium), Martin Schutz (cello), Vyacheslav Guyvoronsky (tp) et Vladimir Volkov (b), le concert consistant à présenter différentes combinaisons de jeux faisant intervenir certains des membres de la formation. Letov intègre le dernier soir l’Anatoly Vapirov Big Band pour le grand final du festival.
Le 15 juillet 1990, les Pop-Mechanics de Sergey Kuryokhin sont à l’affiche du festival de Noci, en Italie, organisé par le trompettiste Pino Minafra. Du coup, Letov est invité à se produire deux jours auparavant avec l’orchestre d’Enrico Fazio pour le projet « Favola », une suite musicale basée sur un texte de Vittorino Curci : « Ce n’était pas un spectacle simplement musical, mais aussi théâtral, avec une somptueuse scénographie… La mise en scène d’un conte de fée avec une pointe de romantisme, une musique de haute qualité et de superbes solos. » 10 Malgré l’absence de certains protagonistes du concert, tels que Vyacheslav Guyvoronsky et Misha Mengelberg, l’œuvre sera enregistrée en studio en novembre. Par ses accents médiévaux, son lyrisme, son côté festif et son ironie, Favola découle de la grande tradition dramatique italienne, à l’instar de ce que produira par exemple Gianluigi Trovesi avec Les Hommes Armés 11 gravé quelques années plus tard. Sur le disque, Letov joue du saxophone soprano 12 et offre un solo de toute beauté dans la sixième partie, un solo d’écorché vif avec quelques passages en souffle continu digne d’Evan Parker. La collaboration avec le contrebassiste italien Enrico Fazio ne s’arrête pas là puisqu’ils enregistreront en duo le disque Compagni di Strada en octobre 2000 ; Fazio signera la majeure partie des compositions (exceptés « Pentagramma » et « (Archaic) Blues », deux « hits » du répertoire de Tri-O) : « J’aime beaucoup la musique d’Enrico et son jeu de contrebasse. C’est un vrai compositeur ! J’espère rejouer avec lui à l’avenir… » 13 Compagni si Strada distille une musique pleine de poésie, extrêmement sensible et libre, jouée tout en finesse et témoignant d’une réelle empathie entre les deux musiciens. Fazio régale tant par son jeu arco que pizzicato, Letov par ses timbres profondément humains délivrés au soprano, à la clarinette basse, à la flûte traversière et même au « hand made reed », un instrument de son invention proche du saxophone…
Letov collabore aussi avec le Pierre Dorge New Jungle Orchestra avec lequel il sillonnera le Danemark, l’Allemagne et la Russie.
Dès lors, ses virées à l’Ouest vont se multiplier dans les années quatre-vingt-dix : particulièrement en Allemagne, mais aussi à travers toute l’Europe et les Etats-Unis, avec notamment les tournées du groupe Tri-O et des troupes de théâtres.
A l’instar de la plupart des musiciens russes, Sergey Letov n’hésite pas à s’engager dans les arts parallèles. Il écrit et interprète ainsi en solo la musique du court-métrage Desease of Lonely Men des frères Aleinikov et celle du film Time – Future, Number – Plural de Yury Zmorovich. En collaboration avec Valentina Ponomareva, il compose la musique d’un documentaire scientifique de Tatiana Chivikova qui traite de l’ovulation artificielle. Il réalisera de même deux musiques de films avec son groupe Tri-O et la chanteuse Sainkho Namchylak. Il travaille pour de nombreux documentaires télévisuels et participe à plusieurs films en tant qu’acteur jouant des rôles de musiciens… On peut ainsi l’y découvrir au saxophone, à la clarinette basse ou à la flûte. Letov proposera enfin des ciné-concerts sur le film Faust de Friedrich W. Murnau. Toutes aussi importantes, ses activités pour le théâtre se développent dans les années quatre-vingt-dix. Dès 1986, Letov collabore avec Nika Kossenkova, puis travaille entre 1988 et 1989 au Theatre of Improvisation de Moscou. En 1990 et 1991, il participe aux Moscow Creative Workshops de Mikhail Mokeev, puis au Centro Sperimentale de Rome pour la saison 1991- 92. Il côtoie aussi le Takanga Theatre depuis 1996, le Teater am Saumarkt de Feldkirch en Autriche (1997), la Moscow Academic Art Theater (1999), le Theatre Chelovek de Moscou (depuis 2001), la fameuse School of Dramatic Art d’Anatoly Vassiliev (1989 et 1992, puis à nouveau à partir de 1996) et le non moins célèbre Kinetic Theatre de Sasha Pepelaev (1996-97). Parallèlement, il tourne en France à Nantes et Châlons-sur-Saône en 1992 avec la compagnie de clowns Licedei-4.
Pour Moscow-Petushki, une pièce pour deux acteurs (Alexander Tsurkan et Irina Lind) et une chanteuse (Tatiana Fedotova), il joue avec le pianiste Alexei Voronkov. En décembre 1995 à Novosibirsk, il participe avec LaDonna Smith et Sergey Sedov à Deep-Sea Divers, une pièce de Leonid Tishkov inspirée de Roméo et Juliette, qui sera rejouée l’année suivante à Chelabinsk puis à Moscou. Il signe aussi la mise en musique de Marat and Marquis de Sade de Yuri Lyubimov avec Vladimir Nelinov (perc), Tatiana Zhannova (kbds) et deux solistes du Dmitry Pokrovsky Ensemble, ainsi que celle de la pièce Entre Nous de Christophe Feutrier en duo avec Vladimir Nelinov aux percussions, sur des textes d’anonymes russes et français des XVème, XVIIIème et XIXème siècle, Daniil Harms, Eugène Ionesco, Valère Novarina et Christophe Feutrier.
Ses travaux pour la danse sont eux aussi conséquents. Le projet « Improvisation in Music and Danse » est créé à Noci en Italie, pour le spectacle Favola d’Enrico Fazio et Vittorino Curci, avec le danseur italien Giovanna Summo, puis se poursuit à Moscou et Vologda de 1991 à 1993 avec la compagnie italienne Sosta Palmizi, les danseurs russes Oleg Soulimenko et Alexander Likin, et les musiciens Vladislav Makarov, Yuri Parfenov, Alexander Alexandrov, Edward Sivkov, Mikhail Yudenich, Oleg Lipatov, Mark Zabezhinsky et l’Allemand Heinz-Erich Gödecke. Entre 1995 et 1996, un autre projet réunit Letov à la violoniste américaine LaDonna Smith à Vinnitsa, en Ukraine, et Chattanooga, dans le Tennessee, avec les danseurs américains Cari Martin-Roussanoff et Avery Warren. Le 27 décembre 1997 à l’Internet-café Screen de Moscou, se tient la Première de Djuba, Macintosh and The Naked Body 14; Letov est accompagné par Andrey Suchilin et Alexander Pillaev (ordinateurs Power Macintosh, elg, kbds, vocoders) et d’Anna Zapolskaia qui danse nue à ses côtés. Le spectacle est reconduit en 1998 dans divers clubs moscovites et à l’occasion de l’Alternativa Festival.
Tous ces projets réalisés pour la danse ou pour le théâtre offrent à Letov l’opportunité de se produire à l’étranger bien plus facilement que dans un contexte purement musical (hormis avec son groupe Tri-O avec lequel il visitera plus de quinze pays) ; il voyage ainsi en Lituanie, France, Hongrie, République Tchèque, Israël, Etats-Unis, Hong-Kong, Japon, Corée du Sud, Finlande, Allemagne et Italie…
Ses collaborations avec poètes et écrivains ne sont pas non plus en reste : Nina Iskrenko, Dmitry Prigov, Lev Rubinstein, Andrei Bitov, Gennady Katsov, Nina Sadur, Anna Alchuk, Vladimir Druk, Tatiana Scherbina, Nikolai Baitov, Svetlana Litvak, Yulia Skorodumova, Konstantin Kedrov, Elena Katsiuba, Liudmila Hodynskaia, Marina Kniazeva, Lesya Tyshkovska ou Erkki Lappalainen en sont les principaux exemples. En 2003, Letov se penche sur le Malevich Suprematistic Project, un spectacle musical de haute-couture (avec des costumes en papier crépon fabriqué par Galina Popova) pour chœur de femmes, contrebasse, trompette et saxophones, en hommage au poète cubo-futuriste Kasimir Malevich.
Enfin, Sergey Letov se trouve associé à bien des manifestations artistiques mêlant entre autres peinture et musique. En 1984, invité à improviser pour une exposition d’art « non-conformiste » à l’Urban Commitee of Graphics de Moscou, il est arrêté par la police soviétique qui qualifie sa performance de « bulldozer exhibition » et lui demande s’il a obtenu une autorisation pour jouer en public… Il participe aussi aux spectacles conceptuels du Collective Actions d’Andrey Monstyrsky, idéologiquement proches de ceux de John Cage, puis à ceux de TOTART, pour lequel il créé des fonds musicaux d’arrière-plan durant les expositions. A partir de 1995, il travaille avec Rea Nikonova, théoricienne et praticienne de l’art d’avant-garde poursuivant la tradition des cubo-futuristes. On le retrouve ainsi intervenant dans des galeries d’art de Moscou, Brême, Berlin et Smolensk.
Outre l’expérience que cela apporte, Letov explique aisément le besoin de s’ouvrir à d’autres formes artistiques que la musique : « Je pense qu’ici, en ce qui concerne les nouvelles musiques, nous avons un public vraiment restreint. On a donc recourt à une certaine théâtralité pour impressionner davantage les spectateurs. Nous sommes en fait très proche de la tradition instaurée par les futuristes russes. Kuryokhin et Chekasin essayaient aussi, à leur manière, de rendre leurs spectacles plus vivants, plus attractifs. Kuryokhin était du reste plus proche du cirque que du théâtre proprement dit. Le Jazzgroup Arkhangelsk par contre, s’inscrivait tout à fait dans une lignée théâtrale. » 15
L’une de ses plus fidèles collaborations est assurément celle qu’il entretient avec le trompettiste Yuri Parfenov, membre de Tri-O : The Secret Teaching présente plusieurs de leurs duos enregistrés en 1992, 1993, 1995 et 1999. Un disque de musique abstraite, inventive, avec beaucoup d’attaques de langue et de clés sur la clarinette basse ; l’occasion une nouvelle fois de s’étonner de la profondeur de son des deux dialoguistes, notamment sur le très poignant Procession, de constater enfin que Letov est décidément un flûtiste merveilleux.
D’autres rencontres, plus ponctuelles, demeurent significatives : En 1993, Sergey Letov intègre le Moscow Composers Orchestra dirigé par Vladimir Miller dont il ne garde pas un souvenir impérissable : « Un orchestre très étrange… Nikolay Dmitriev en était le manager. Il avait choisi de bons musiciens et des moins bons… pour interpréter des compositions assez faibles de Vladimir Miller. Je n’ai pas aimé l’ambiance qui y régnait, la plupart des musiciens ont connu des différends financiers dans ce projet, l’organisation était mauvaise. » 16
En décembre 1995, il invite la violoniste américaine LaDonna Smith qu’il avait déjà rencontré à la Knitting Factory de New York cinq ans plus tôt. S’ensuivent deux concerts à Novosibirsk, un à Smolensk et quatre à Moscou. C’est à ce moment qu’ils gravent en duo Erogenous Soundscapes, qui mêle aridité et sensualité, rocaille et évanescence. Ils enregistrent aussi en trio avec Valentina Ponomareva 17. Un mois plus tard, le duo donne trois concerts aux Etats-Unis (Louisville, Birmingham et Chattanooga) ainsi qu’à New York en janvier 1997 lors de la première édition du S.K.I.F., en duo puis en trio avec Davey Williams.
Letov profite de son petit séjour américain pour enregistrer Listening is his Line of Least Resistance avec Greg Acker (ss, fl, perc, voice), Joe Conroy (vln, elb, strings, perc, voice) et Misha Feigin (g, elg, balalaika, perc, voice) : une longue suite, ésotérique et sinueuse, dans laquelle Letov privilégie la flûte, sorte d’errance hippie orientalisante transposée dans une usine désaffectée.
Letov ne dénigre pas les incursions dans le rock expérimental voire bruitiste et enregistrera avec AU, un groupe de punk très agressif créé par Andrey Panov (qui mourra peu de temps avant la parution du disque), avec le groupe Umka pour un rock à tendance hippie, avec Civil Defense, le groupe de son frère Igor qui comprend sa femme Natasha Chumakova (elb), Alexander Chesnakov (elg) et Alexander Andriushkin (dm), avec les Allemands d’Embryo ou encore avec le délirant Nick Rock-n-Roll. En 1999, paraît Palm Mira, avec Suchilin et Pillaev : un disque somptueux qui distille une musique onirique, inventive et fraîche, qui voit s’installer de lancinants bruitismes faits de fragments mélodiques désossés puis ré-assemblés façon puzzle, des rythmiques techno-transe et des improvisations aux saxophones, guitare électrique, orgue ou flûte. Fred Trafton rédigera ces quelques lignes à propos du disque, dans la New Gibraltar Encyclopedia of Progressive Rock parue en juin 2001 : « Imaginez des compositions de Frank Zappa interprétées par les Residents, avec en guest-stars Robert Fripp à la guitare et Robert Calvert au sax…(…) »
En 2001, Letov fait partie du groupe Ural Character, monté par le batteur Igor Zakharov, originaire d’Ekaterinbourg. Le sextet est complété par Vladislav Talabuev (as), Alexander Alexandrov (basson), Vitaly Vladimirov (kbds, tb) et Sergey Proskurin (b). Le disque The Width Jumps est assurément l’un des disques les plus typiquement jazz auxquels Letov ait participé ; il évite cependant les clichés du genre et développe un jazz moderne exécuté avec brio et enthousiasme, héritier des vynils du label américain Impulse! et des œuvres les plus contemporaines de Charles Mingus, où les solos de Letov s’élèvent à la Eric Dolphy, c’est à dire constamment en limite de dérapage (à ce titre, le morceau Waltz for Charlotte Cordey est une petite merveille), où le basson d’Alexandrov prodigue des nappes de sons aqueux (notamment sur sa composition Concern Poem dédiée à Kuryokhin), où chacun joue avec fougue et ferveur. Une belle réussite, malheureusement tirée en fort petite édition.
Enfin, quatre collaborations d’importance restent à souligner : celles qui se tissent avec Yuri Yaremchuk, Alexander Nesterov, Alexey Borisov et Ivan Sokolovsky.
Créé en décembre 1992, ce projet qui est à la base un trio réunissant Sergey Letov, le saxophoniste Yuri Yaremchuk et le guitariste Alexander Nesterov, mêle allègrement compositions et improvisations libres. Durant les trois années suivantes, le groupe tourne à Kiev, Moscou, Lvov, Saint-Pétersbourg, au festival de jazz de Vilnius… et s’élargit pour devenir quintet en intégrant Valentina Ponomareva et le guitariste Oleg Lipatov. En octobre 1995, le Russian-Ukrainian Project enregistre Total Expansion en quartet sans la chanteuse. Quelques jours plus tard, c’est bien le quintet qui se produit au festival d’Arkhangelsk : musique étrange, inquiétante, calme et profonde, comme une symphonie océane où les longues notes de saxophones tenues dans les graves sont autant de plaintes de cétacés en détresse, où les guitares miment ces araignées qui tissent leur toile puis qui détalent, où les accords sculptés par la MIDI-guitar de Nesterov vampirisent les sons d’orgues funèbres échappés d’une production digne de la Hammer… De tout cela naît une tourmente, sombre et belle, abyssale, qu’hypertrophie le chant de folle de Ponomareva. L’œuvre, ultérieurement parue en cd, aurait sans doute convenu pour la bande originale du moyen-métrage Le Bunker de la dernière rafale de Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro… Six mois plus tard, c’est à nouveau le trio qui est à l’honneur sur le disque qui retranscrit un concert à Lvov daté du mois de mai 1996 ; comme dans Arkhangel’SK’ 95, se dégage de la musique une forte sensation d’apesanteur, avec un ballet de sax-sonars qui se dessine à travers les espaces mouvants délimités par Nesterov. De violentes contorsions à la Peter Brötzmann agitent par intermittence cet édifice musical, dont curieusement, la poésie et les timbres sonores lui confèrent une assez proche parenté avec le splendide disque Phénix 14 du duo Siegfried Kessler / Jean-François Pauvros 18.
Cet ambitieux projet est le fruit d’une collaboration entre Sergey Letov et cinq membres de l’ensemble vocal Narodnyi Prazdnik 19 ; il voit le jour durant les répétitions de la pièce Moscow-Petushki au Taganka Theater en 1996. « Il n’a pas été intégré dans la version finale de la pièce, mais ces répétitions en commun nous ont permis de concrétiser des interactions entre le folklore russe ancien et les improvisations les plus modernes. » Le New Russian Alternative se produit avec le trompettiste Yuri Parfenov sur diverses scènes Moscou en décembre 1996 puis à l’Internet-café Screen le 19 avril 1997. Peu à peu, le projet prend de l’ampleur et intègre en son sein les danseurs de l’Expressive Body Movement Class, Alexey Borisov (electronics, voix) et Vadim Koshkin (video, graphisme par ordinateur). A l’automne 1997, c’est la chanteuse Valentina Ponomareva qui rejoint le groupe. Lors du concert du 5 décembre, à la Central House of Artist, interviennent aussi Oleg Lipatov (elg), Roman Lebedev (electronics), Vitaly Bykov au vitar (un dérivé de la cithare) et Anna Koleichuk (objets, video). En mai et juin 1998, le New Russian Alternative, alors composé de Sergey Letov (ss, bs, leader), Alexey Borisov (electronics, voice), Roman Lebedev (electronics), Richardas Norvila (electronics) du groupe Sa Zna, Oleg Lipatov (elg) et le Dmitry Pokrovsky Ensemble en remplacement de Narodnyi Prazdnik (avec dans ses rangs : Olga Yuketcheva (voc), Masha Nefedova (voc) et Mikhail Korzin (voc, vln)), monopolise les planches du Bednye Liudi Club de Moscou.
Le disque Reliance in the Invisible, tiré du concert du 23 juin, porte on ne peut mieux son nom : le concert expose une longue suite, véritable plongée dans l’histoire humaine ou se disputent en une orgie infernale fantômes du passé et fantasmes névrosés d’un avenir incertain. Un climat d’outre-tombe s’installe dès les premiers instants, spectres et possédés planent au-dessus d’une jungle d’electronics puis esquissent une sorte de danse de sabbat tout droit sortie des temps anciens. Se dessine alors, superbe sur fonds bruitistes déjantés, la trame poignante du « Lonely Woman » d’Ornette Coleman, qui hantera à nouveau la musique en clôture du disque. Cette imbrication voix – saxophones – violon dans une jungle d’electronics et de collages sonores apporte un caractère douloureusement humain à cette œuvre qui véhicule une puissante charge émotionnelle.
Né à Moscou le 7 décembre 1960, Borisov étudie l’art et l’histoire à la Moscow State University. En 1980, il commence une carrière musicale sinueuse et controversée en fondant Centre, premier groupe de new-wave soviétique pour lequel il tient la guitare. L’année suivante, il forme le groupe Prospekt, qui mute en Notchnoi Prospekt (Night Avenue) en 1985 avec l’adjonction du claviériste Ivan Sokolovsky ; Notchnoi Prospekt s’adonne alors à un rock synthético-industriel et devient rapidement un groupe culte du rock underground russe. Parallèlement, Borisov fonde en 1992 le duo bruitiste F.R.U.I.T.S. avec Pavel Zhagun. En 2000, il créé avec Anton Nikkila le label N&B Research Digest, consacré aux musiques électroniques expérimentales. En vingt ans, Borisov est devenu une figure de proue de la scène électronique russe.
Animés d’une même soif de recherches, d’expérimentations et de nouveauté, les chemins de Sergey Letov et Alexey Borisov se croisent régulièrement à partir du milieu des années quatre-vingt-dix. Borisov participe ainsi au New Russian Alternative, Letov à Notchnoi Prospekt. Le cd Concert at DOM, tiré d’un concert enregistré à Moscou le 21 juin 2002, présente le groupe au complet 20 augmenté du saxophoniste. Climatique, véritablement ambient, l’œuvre est traversée par la voix sombre de Borisov qui déclame quelques bribes de textes ; en d’autres instants, la musique se fait plus vibratile, presque semi-hypnotique, avant de se déchirer sous les impulsions du violon électrique, les déferlements du baryton ou la titubesque danse des boîtes à rythmes. La large place laissée à l’improvisation, l’attachement au son brut, parfois crasseux, au bancal, le recours au collage, au parasite et à l’imprévu, font de la démarche de Notchnoi Prospekt dans la scène des musiques électroniques une alternative vivace et bienvenue aux interminables épopées claustrophobes jadis concoctées par Klaus Schultze, Tangerine Dream, Jean-Michel Jarre et leurs descendants musicaux : une manière de sortir de l’impasse puisque le recours aux electronics comme finalité musicale est aujourd’hui périmé, entendant par là que la seule mise en scène du son électronique ne se justifie plus en tant que telle, ne suffit plus (l’oreille de l’homme du XXIème siècle étant d’ores et déjà saturée de sons synthétiques d’origine identifiée – ou non) au contraire : au vu de la cadence immodérée des progrès technologiques, les débauches de sons synthétiques dans une œuvre musicale sont certainement ce qui au final, vieillira le plus mal… Après donc les fresques spatio-musicales des planeurs allemands durant les années soixante-dix, après les paysages rythmico-synthétiques des House, Techno et autres « Transe music » des années quatre-vingt-dix, cette proposition d’allier électronique, électroacoustique, industrial music et musiques improvisées, à l’image de Notchnoi Prospekt, semble inscrire un nouveau chapitre dans l’histoire des musiques électroniques. Pour le meilleur et pour le pire, à l’aube du nouveau siècle, va ainsi se mettre à proliférer en Occident une myriade de nouveaux expérimentateurs en électronique dont une large partie sombrera – l’effet de mode n’épargne décidément aucun courant – dans les travers du bruitisme.
Le tandem Borisov / Letov forme peu à peu l’ossature de nouveaux projets, avec par exemple l’écrivain Dmitry Prigov ou le DJ finlandais Anton Nikkila : à chaque fois, on assiste à un défrichage sonore au travers d’ambiances post-industrielles ou radioactives, une sorte de survie en milieu rouillé. Le duo se spécialise dans la mise en musique de films muets sous forme de ciné-concerts ; leur projet-phare, commandé par la Goethe-Institute en 1996, concerne l’illustration musicale du Faust de Friedrich W. Murnau : organique, grouillante et glauque, celle-ci combine aux plongées introspectives des bidouillages électroniques de Borisov la moiteur des improvisations de clarinette basse ou de saxophone, bruits de fonds et éléments de musique concrète, émergence de motifs récurrents, entêtants ; le tout forme une pâte musicale étrangement expressionniste, dont les mouvements noirâtres et lancinants accentuent le côté foncièrement crépusculaire. Parfois réalisées avec des invités comme le guitariste Oleg Lipatov ou Richardas Norvila (electronics), les représentations des ciné-concerts de Faust seront données à travers toute la Russie mais aussi en Allemagne, au cours des sept années suivantes. Récemment, ils ont pris part au Suprematistic Project en hommage à Kasimir Malevich – dont un concert au DOM de Moscou est paru chez Pentagramma – avec Ivan Sokolovsky, autre collaborateur privilégié de Sergey Letov. A vrai dire, Sergey Letov, Alexey Borisov et Ivan Sokolovsky ont des parcours pour le moins enchevêtrés.
Né à Leningrad le 10 février 1962, il suit une trajectoire toute parallèle à celle d’Alexey Borisov puisqu’il est diplômé de la même université, la Moscow State University, en histoire tout comme lui, et en philosophie. Il est aussi le co-fondateur avec Borisov du groupe Notchnoi Prospekt, qu’il quitte en 1989 21 pour se consacrer à divers projets en solo. En 1993, il fonde le label Random Music destiné à éditer des musiques climatiques, entre ethnic ambient music et acid-jazz. Même l’approche musicale de Sokolovsky n’est pas sans lien avec celle d’Alexey Borisov, et si Sokolovsky privilégie des formes plus épurées, plus limpides, certainement moins sombres, moins urbaines et finalement plus exotiques que Borisov, tous deux expérimentent et cherchent à créer des ambiances sonores envoûtantes, vivantes, en puisant leurs sons tant dans les jungles électroniques que dans l’acoustique. Son projet intitulé Soft Animals fait appel à rockers et jazzmen russes, dont Sergey Letov, et articule drum’n’bass, éléments ethniques et acid-jazz ; il se produit avec succès en Russie, en France, en Allemagne et en Italie. Un autre projet, Soldat Semenov, mêle poésie et electro-rock. La richesse intrinsèque et l’éclectisme assumé de sa musique permettent rapidement à Sokolovsky de disposer d’un cercle d’aficionados issus de milieux aussi divers que ceux du folk-progressif, de la techno ou de l’avant-garde. Le duo qu’il forme avec Sergey Letov, le SL-Project 22, en constitue un excellent exemple : objet musical à priori mal classable, SL-Project flotte quelque part entre Palo Alto, Popol Vuh et transe chamanique. Le groupe tourne fréquemment dans les clubs de Moscou où il connaît un certain succès ; après un second opus en compagnie de Mikhail Plotnikov, leur troisième cd devrait sortir prochainement.
En 2003, le groupe Zoo-Jazz Project les réunit aux Français Pascal Rousseau (tuba, voix) et Christophe Sanyas (hautbois, voix), pour un free jazz électroacoustique. Après la sortie du cd Hivernale Pudeur, le Zoo-Jazz Project a entamé en février une série de concerts moscovites.
Sax Mafia est né d’un projet initié par Edward Sivkov en 2002. Il s’agit d’un quatuor de saxophones : le premier du genre en ex-Union Soviétique et, en quelque sorte, le pendant russe du World Saxophone Quartet. Outre Sivkov (ss, as, bs), il se compose de Sergey Letov (ss, bs), Nikolay Roubanov (bs, bass sax, bcl) et Yury Yaremchuk (ss, ts), soit toute la palette de la famille des saxophones (exception faite du sopranino). Bien que les musiciens soient basés dans des villes différentes et accaparés par d’autres projets parallèles 23, Sax Mafia s’avère très actif et donne nombre de concerts à Moscou, à Saint-Pétersbourg, ainsi qu’une tournée en Allemagne en mai et juin 2003 grâce au projet « Kulturen im Dialog – Kulturschiff » qui consiste à sillonner Rhin, Main et Danube à bord du bateau « The Bolero » qui fait étape dans les villes principales du pays pour proposer concerts, expositions artistiques et séminaires.
Les deux cds du groupe, enregistrés à deux mois d’intervalle (au Centre Culturel DOM de Moscou le 3 février 2002 et au Armstrong-club de Tyumen le 24 avril) 24, présentent quelques compositions communes, apportées par chaque membre du quatuor. En général, un ou deux saxophonistes jouent les rôles de basse par des impulsions rythmiques ou des notes graves tenues, tandis que les autres improvisent par dessus avec des instruments de tessiture plus aiguë, ce qui offre des formes souvent ouvertes, où les chants de saxophones tantôt s’épousent et s’encastrent, tantôt se télescopent et divorcent. A noter les trois compositions de Letov qui ont servi de support musical à la pièce Marat and Marquis de Sade, dont « Charlotte Corday Blues » qui n’est autre que son « Archaic Blues » joué avec Tri-O, l’inévitable « Pentagramma » qui s’ouvre sur des convulsions de saxophones, ou « I don’t Know » de Rubanov : un hymne funèbre d’une gravité extrême. « Personalia », seule composition signée du collectif, propose une succession de solos majestueux assénés a capella.
Depuis vingt ans, Sergey Letov évolue à la lisière des genres, privilégiant coûte que coûte improvisation et expérimentation, deux termes au-delà desquels chez lui, toute notion d’étiquette ou de classement implose tranquillement. Mais, comme pour mieux naviguer entre des genres musicaux qui semblent parfois peu compatibles, Letov privilégie le polyinstrumentisme, qui permet au souffleur de considérablement élargir son panel instrumental et par là même, son expression : « Je choisis un instrument plutôt qu’un autre selon les contextes et les besoins du moment. En général, lorsque je joue avec des DJs, je préfère les saxophones ténor et soprano, parfois les flûtes, avec des musiciens plus rock je prends davantage le ténor ou le baryton, avec Tri-O le baryton, le soprano et les flûtes, en duo avec Yuri Parfenov baryton, soprano, clarinette basse et flûte alto, pour le théâtre je privilégie nettement la clarinette basse, etc. » 25 Cette prédilection pour le polyinstrumentisme se couple d’une exploration en profondeur de chaque instrument visant à en augmenter davantage encore les possibilités : « Je connais mal la musique de Victor Lukin, mais son comportement sur scène, son approche délibérément non conventionnelle de la manière d’aborder la musique, les instruments acoustiques qu’il inventait lui-même (je les ai vus de mes yeux, je les ai essayés, j’en ai même reconstruits pour les utiliser dans certains disques) : tout cela démontre qu’il avait une personnalité charismatique, qui se reflétait sur ses partenaires. Il était autodidacte, et son idée principale était celle-ci : l’instrument lui-même doit être le facteur déterminant de la musique, elle doit être reliée à lui, à toutes les possibilités de jeu qu’il permet de créer, et non se réduire à une utilisation purement traditionnelle de l’instrument, à un apprentissage classique, scolaire. Cette idée a influencé beaucoup de jazzmen moscovites, comme Arkady Shilkloper pourtant issu du conservatoire, Arkady Kirichenko qui lui se cantonnait au départ au dixieland, ou encore le guitariste Oleg Lipatov. » 26 Ainsi, se façonne, au bout du compte, un « son » Sergey Letov, que ce soit à coups de vibratos éléphantesques dans les graves de la clarinette basse, dans les déraillements du baryton, dans les enluminures du soprano ou dans le grain de la flûte traversière, l’important réside bien là : plurielle et multiforme, la musique de Sergey Letov n’en reste pas moins personnelle et reconnaissable entre mille.
Pour conserver traces de ses multiples projets, Sergey Letov créé son propre label, Pentagramma : « « Pentagramma » est l’une des figures géométriques les plus parfaites. Depuis Euclide, et même probablement avant, on a réalisé qu’il était impossible de diviser un cercle en cinq sections égales. Plus tard, c’est devenu le symbole du « savoir interdit », plus tard encore, le symbole de la République. » 27 Le catalogue, qui s’étoffe aujourd’hui à près d’une quarantaine de disques, consiste en des CD-Rs édités à de petits nombres de copies, dont les jaquettes du boîtier et du cd sont imprimées en couleurs. Malgré le caractère artisanal de la production, la réalisation matérielle des disques est tout à fait propre, et la qualité musicale bien souvent au rendez-vous. Une collection qui présente en tous cas un nouvel éclairage sur la scène des nouvelles musiques russes. Les disques Pentagramma sont distribués à Moscou, Vilnius et en Israël ; dans nos contrées, Improjazz en assure la distribution exclusive.
En 2000, les frères Letov sont invités par la Human Rights Organisation de Lettonie à se produire à Riga en duo. Pris par un autre engagement, Sergey ne peut s’y rendre ; Igor, qui décide d’honorer l’invitation seul, se fait arrêter par la police lettonienne, puis expulser du pays. En avril 2003, Sergey Letov se produit à l’International Monodrama Theatre Festival de Riga avec un contrebassiste et un acteur pour un spectacle basé sur des poèmes du prix Nobel Joseph Brodsky. A son retour, il est arrêté à la frontière et inscrit sur la liste noire des indésirables, où il rejoint d’ailleurs son frère Igor : à cause de cette invitation par la Ligue des Droits de l’Homme, les frères Letov sont devenus persona non grata en Lettonie jusqu’en 2099… « J’adresse toutes mes félicitations à la Communauté Européenne pour accueillir un nouveau membre si brillant !!! Je savais que les Nazis du Troisième Reich s’en prenaient aux jazzmen ; je sais maintenant qui sont leurs successeurs… » 28
Désormais icône incontournable des nouvelles musiques russes, Sergey Letov a mis au point un site Internet centré sur ses activités, mais à travers lequel on peut faire la connaissance d’une quantité d’autres acteurs (musiciens mais aussi metteurs en scène, plasticiens…) de cette scène ; nombreuses photos, extraits musicaux et extraits de vidéos de concerts, ainsi que des liens intéressants, comme ceux qui renvoient à des articles remarquables (certains sont traduits en anglais) écrits par Sergey Letov, Vladislav Makarov ou Alexey Borisov pour un magazine (Topos) et une radio (la SpecialRadio 29) en ligne. Si au début des années quatre-vingts, les nouvelles musiques se jouaient dans l’underground pour des raisons politiques, on peut dire qu’elles y sont retournées en fin de décennie suivante pour des raisons commerciales ; Letov est ainsi obligé pour vivre décemment de combiner quelques activités annexes telles que producteur de programmes pour le théâtre (début des années quatre-vingt-dix), consultant pour Macintosh (même époque), la restauration d’archives sonores pour des groupes punk (Civil Defense, DK…) et collaborateur à la SpecialRadio, dont le credo est la diffusion de musiques (d’actualité ou non) à caractère non commercial, sans distinction de genre : « Elle s’inscrit contre le show-business russe actuel. Nos articles sont très populaires : près de trois cents visiteurs par jour ! Nous constituons une poche de résistance. Du coup, les critiques officiels nous taxent de marginaux, de néo-nazis, de maniaco-schizoïdes ,j’en passe et des meilleures… Les Services Secrets Russes (FSB) ont mis la radio sur écoute, ainsi que mon propre site ! » 30
L’adresse du site : www.letov.ru/sergei.html
(Cliquez sur le drapeau anglais pour avoir le sommaire en anglais, à moins que vous ne lisiez le russe…)
Notes :
Discographie :
1984
S. LETOV / V. MAKAROV / M. YUDENICH : « Antonius’ Birthday Party or/and The Death of Andropov » CD (Pentagramma 022 / Mak-Art 006), 11/02/84
A. AXIONOV / S. LETOV / V. MAKAROV / A. KONDRASHKIN : « In Riga, Hamburg » CD (Pentagramma 038), janvier 84
DK : « The God is not Present » CD (SS Records 1101)
DK : « Snova liubov’ poselitsa » CD (SS Records 1301)
A. KONDRASHKIN : « Recordings 1983-1984 with S. Letov and V. Makarov » CD (Pentagramma 023)
1985
DK : « DMB-85 » CD (SS Records 0898)
DK : « A Mine Field by the 8 of March » CD (SS Records 1802)
DDT : « Time » CD (DDT Records BD 154)
1986
DK : « Moscow Sausage » 2 CDs (SS Records 16/1702), 1983, 1986
DK : « Chashka Chaya » (« A Cup of Tea ») CD (SS Records 0973)
S. KURYOKHIN & POP MECHANICS : « Introduction in Pop Mechanics » LP (Leo Records LR 146), oct. 86
POP MECHANICS : « Don Carlos » CD (Solyd Records SLR 0275)
1987
DK : « Tantsy-Shmantsy Brahmsa (« Katya-Girl Orchestra ») » CD (SS Records 1201), 1984, 1987
S. KURYOKHIN : « Spectre of Communism » CD (Solyd Records SLR 0281)
POP-MECHANICS feat. KINO & WESTBAM : « Live at Riga » LP (What so Funny About SF 57), 15/04/87
1988
DK : « Do osnovania a zatem (« Cordon Noir ») » CD (SS Records 9804), 1987, 1988
DK : « Chernaya Lentochka » 2 CDs (SS Records 9804/05)
DK : « Rocking Soviet » LP (Antenne/Janus JD 10 CNUF 29749 10030)
S. KURYOKHIN : « Polynesia : Introduction to History » MC / LP (Melodiya C60-28241 009) / CD (RCA Victor VDJ-1209 / Solyd Records SLR 0267), 4/02/88 et 27/06/88
S. KURYOKHIN : « Tragedy in a Rock Style (Tragediya v stile rok) » CD (Soyuz Records SZCD 0670-97), BO du film de Savva Kulish
V. MAKAROV / S. LETOV : « The Hand. – Comprehensible Introduction in Deconstruction » CD (Pentagramma 021 / Mak-Art 004), juillet 83, août 88
V. PONOMAREVA : « Iskushenie » (« Temptation ») LP (Melodiya C60 28293 005)
1989
DK : « An Occupation » 2 CDs (SS Records 06/0701), 1985, 1989
DK : « Family of the Flower Kings » 2 CDs (SS Records 14/1502), 1988, 1989
V. A. : « Conspiracy Soviet Jazz Festival » 4 CDs box (CD n°2, 3 et 4, Leo Records LR 809-812, édition limitée : 1000 copies) : avec Tri-O, V. Ponomareva, Swiss Soviet et le A. Vapirov Big Band, enr. live les 21, 24et 25/06/89
1990
DK : « Fire in Mausoleum » CD (SS Records 0020)
E. FAZIO / V. CURCI : « Favola » CD (Centro Musica Creativa C..M.C. Records 9921-2), 17 et 18/11/90
POP-MECHANICS : « In Noci » 2 CDs (Solyd Records SLR 0269/0270), 15/07/90
1991
POP MEKHANIKA : « Iblivyi Opossum – Live in France » CD (Kurizza Records KR CD 0004 / Solyd Records SLR 0273), 22/10/91
1993
MOSCOW COMPOSERS ORCHESTRA cond. by V. Miller : « Kings and Cabbages » CD (Leo LAB CD 005), 13/06/93
MOSCOW COMPOSERS ORCHESTRA : « Live in Moscow » MC (Ascension Music CC 010)
1994
MOSCOW COMPOSERS ORCHESTRA & SAINKHO : « Life at City Garden » CD (U-Sound UD 95027), 18 et 25/06/94
JOINT COMMITTEE : « Rosenkranz’ Sessions Vol. 1 (Russian Noise Music) » CD (Pentagramma 013)
1995
V. PONOMAREVA / S. LETOV : « Collected Works » CD (Pentagramma 012), 1987, 1989, 1994, 1995
RUSSIAN-UKRAINIAN Project : « Total Expansion » CD (Pentagramma 018), octobre 95
RUSSIAN-UKRAINIAN PROJECT : « Arkhangel’SK’ 95 » CD (Pentagramma 011), octobre 95
L. SMITH / S. LETOV : « Erogenous Soundscapes » CD (Pentagramma 014), 16 et 19/12/95
SOFT ANIMALS : « Conquest of the Arctic » CD (Random mdcd 001)
1996
AU (Pig) : « Holiday of Disobedience or The Last Day of Pompei » CD (In 088)
U. GRET / S. LETOV : « Listening is his Line of Least Resistance » CD (Pentagramma 019), 31/01/96
RUSSIAN-UKRAINIAN PROJECT : « Open Air Live Concert in Lvov » CD (Pentagramma 010), 12/05/96
SOLDAT SEMENOV : « Ni shagu nazad ! (Step Back !) » CD (Zvukoreki AS-005)
1997
S. KURYOKHIN : « Divine Madness » 4 CDs box-set (Leo Records LR 813-816, édition limitée : 1000 copies) : CD n°4 avec un extrait du LP : « Introduction to Pop Mechanics », octobre 86
MILLER / MAKAROV / YUDENICH / LETOV / SIVKOV (OUTBURSTS QUARTET) : « The End of a Belle Epoch » MC (Ascension Music) / CD (Mak-Art 002)
1998
I. KUZNETSOVA : « A Lonely Island » CD (Objective Music OMCD 0698)
NEW RUSSIAN ALTERNATIVA : « Reliance in The Invisible » CD (Pentagramma 009), 23/06/98
1999
S. LETOV / I. PARFENOV : « Secret Doctrine (The secret Teaching) » CD (Pentagramma 016 / HOR Records hcd-066), 1992, 1993, 1995, 1999
S. LETOV / A. BORISOV / D.A. PRIGOV : « Concert in O.G.I. » CD (Pentagramma 027), 7/05/99
A. BORISOV / S. LETOV : « Faust » CD (Pentagramma 007), 22/06/99
A. BORISOV / S. LETOV / O. LIPATOV : « Faust » CD (Pentagramma 017), avril 99
SUCHILIN / LETOV / PILLAEV : « Palm Mira » (« A palm of Peace/World ») CD (Objective Music B 106), août 98-février 99
UMKA : « Komandovat’ paradom. Otdeleniye vyhod » CD (In 100)
2000
S. LETOV / A. BORISOV / A. NIKKILA : « Live in Moscow » CD (Pentagramma 003 / HOR Records HCD 060a), 22/02/99 et 15/04/00
A. BORISOV / S. LETOV / O. LIPATOV / R. NORVILA : « Soundtrack to a silent movie : « Faust. Eine Volksage » by Murnau » CD (Pentagramma 024), 17/02/00
E. FAZIO / S. LETOV : « Compagni di Strada » CD (CMC Records), 20/10/00
M. FEIGIN with S. LETOV : « Moscow in June » CD (Spontaneous Folks Records)
2001
I. & S. LETOV : « Concert In O.G.I. » CD (HOR Records HCD 074), 11/06/01
S. LETOV / Y. YAREMCHUK : « Duets » CD (Landy Star LS-021-01)
Nick ROCK-n-ROLL and group TRITE DUSHU : « Padre » CD (In 148), 27/02/01
The PROJECT « URAL CHARACTER » : « Jumps in Width » CD (no label), tirage confidentiel
2002
CIVIL DEFENSE : « Zvezdopad » CD (HOR Records HCD 057)
O. GARKUSHA / S. LETOV : « In O G. I. » CD (Pentagramma 033), 28/11/02
O. GARKUSHA / S. LETOV : « In CVJM » CD (Pentagramma 037), 6/08/02
V. MAKAROV / S. LETOV : « Psycho » CD (Pentagramma 035 / Mak-Art 011), octobre 02
NOTCHNOI PROSPEKT : « Concert at DOM » CD (Pentagramma 030), 21/06/02
SAX-MAFIA : « Concert at Culture Center DOM » CD (Pentagramma 026 / HOR Records 078), 3/02/02
SAX-MAFIA : « Ethno.ru » CD (Pentagramma 026), 24/04/02
I. SOKOLOVSKY / S. LETOV : « SL-project » CD (Pentagramma 031)
I. SOKOLOVSKY / S. LETOV / M. PLOTNIKOV : « SL-project-2 » CD (Pentagramma 036), 7/11/02
V. A. : « Golden Years of the Soviet New Jazz, volume 3 » 4 CDs (CD n°3, Golden Years GY 409/412, édition limitée : 750 copies) : avec Vladislav Makarov (3/05/85), Sainkho + Tri-O (1989, 1991), Sainkho with Sergey Letov (11/06/89, 1991), Tri-O (1988)
2003
A. BORISOV / I. SOKOLOVSKY / S. LETOV : « Suprematism Project » CD (Pentagramma 039)
A. SUCHILIN : « Quasiland » CD (RAIG R 002), édition limitée à 500 exemplaires
ZOO-JAZZ : « Hivernale Pudeur » CD (Exotica EXO 03 137)
2004
I. SOKOLOVSKY / S. LETOV : « Live 03 » CD (à paraître)
Participation :
EMBRYO : « Live 2000 Vol. 1 » CD
V. MILLER and QUARTETS : « Fours » CD (LongArms CDLA 03052), janvier 94
S. NAMCHYLAK : « Out of Tuva » CD (Cramworld CRAW 6 EFA CD 07609 26), 1986-1993
V. PONOMAREVA : « Intrusion » LP (Leo Records LR 157), 1987
V. PONOMAREVA : « Forte » CD (Boheme CDBMR 904055), décembre 95
V. A. : « Golden Years of the Soviet New Jazz, volume 1 » 4 CDs (CD n°3, Golden Years GY 401/404), 1987
V. A. : « Leningrad Jazz International ‘89 » LP (Melodiya C60-30587)
V. A. : DICE 2 : « She Says » CD (Ishtar Records CD 002 / TransMuseq Records TQ-22), 1996
V. A. : « Tribute to Civil Defense. Mysteria of a Sound » CD (MZ 075-2), 2001
Musiques pour le théâtre :
1995-6 : Deep-Sea Divers, de Leonid Tishkov
1996: Moscow-Petushki, de Valentin Ryzhy
1997-8 : Djuba, Macintosh and The Naked Body, de Sergey Letov et Andrei Suchilin
1998-02 : Marat and Marquis de Sade, de Yuri Liubimov
2002 : Entre nous, de Christophe Feutrier
Musiques de films :
1986 : Desease of Lonely Men, des frères Aleinikov (10’)
1988 : Fruit of Forbidden Desires or Catching Lizards near Ararat Mountain, de Tatiana Chikova (documentaire, 30’)
1988 : Tragediya v Stile Rok (Tragedy in a Rock Style), de Savva Kulish
1989 : Time – Future, Number – Plural, de Yuri Zmorovich (30’)
Ciné-concerts :
1996-99 : Faust, de Friedrich W. Murnau (1926)
VOIR AUSSI : Tri-O (dans un numéro plus lointain…)
Remerciements : à Alexander Alexandrov, Leo Feigin, Christophe Feutrier, Rouslan Koumakhov, Vladislav Makarov et surtout Sergey Letov pour sa disponibilité et sa (très) grande patience.
Marc SARRAZY
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