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SPECIAL RADIO Sergueï Létov La danse des conceptualistes de Moscou près de l’arbre du Nouvel an à une école aux sons de la musique de DK. Moscou contre Léningrad. Va-t-en du Tséntr pour cause de l’Alissa!
En souvenir de Tatiana Didénko L’histoire de mes relations avec le rock de Moscou est liée de la manière paradoxale avec un cercle des conceptualistes de Moscou très étroit et renfermé. En 1982, Sergueï Kouriokhin, un pianiste et compositeur de Léningrad, me présenta au philosophe de musique de Léningrad Efim Sémionovitch Barbane, qui était l’éditeur de la revue demi-clandestine non-autorisée Kvadrat (Le Carré), déposée dans VINITI à droits de manuscrit, et l’auteur du livre La musique noire, la liberté blanche, qui avait été publiée sans autorisation officielle. Afin de lire son livre et les publications du Kvadrat, Barbane me recommanda d’entrer en relations à Moscou avec le rédacteur du Soviétski kompositor (Le compositeur soviétique) Tatiana Didénko, qui gardait les choses ci-dessus indiquées dans un coffre-fort dans son lieu de travail. A mon tour, je la présentai à Andreï Monastyrski et au cercle qui se réunissait le jeudi chez lui dans l’appartement rue Tsander: Vladimir Sorokine, Dmitri Alexandrovitch Prigov, Ilia Kabakov, « Moukhomori » (les frères Mironénko, Svén Goundlakh et Konstantin Zvézdotchotov), Nikolaï Panitkov, Guéorgui Kiséwalter, Lév Rubinstein, Vsévolod Nékrassov. Sorokine, qui fréquentait cette place le plus souvent, me demanda une fois si j’avais entendu parler du groupe DK? Lui, il me loua le groupe beaucoup, mais, au dire de lui, il n’avait jamais vue ce groupe, il n’avait entendu qu’un album au magnétophone à bobines (à cette époque-là, les cassettes étaient encore une nouveauté). Il me chantonna même quelque chose (à propos, plus tard, je n’ai pas trouvé cette ‘quelque chose’ parmi les chansons du DK).
C’est pourquoi, quand, en saison avancé 1983, je reçus une proposition d’enregistrer une partie de saxophone pour l’album de magnétophone immédiat du groupe Dévitchi kal (Les excréments de jeunes filles), je n’hésitai pas beaucoup de temps. Dmitri Ianchine, le guitariste du groupe, arriva chez moi à Kraskovo (j’habitais alors ce bourg-là près de Moscou, où, il y a 62 ans, Viatchéslav Ganéline, le musicien soviétique de nouveau jazz le plus célèbre et le fondateur de la polystylistique de jazz dans l’U.R.S.S., naît le même jour que Beethoven était né) et me conduisit dans son auto Volga à un certain Maison de Culture de Moscou afin de faire l’enregistrement. Je fis connaissance avec les musiciens suivants: Sérgueï Jarikov (instruments de percussion), Sérgueï Polianskikh (guitare basse), Viktor Kléméchev (guitare rythme, trompette et saxophone ténor, par la suite – vocalisateur), Alexandre Bélonossov (instruments à touches). L’atmosphère était très chaude et amicale. Pendant que Ianchine, comme d’habitude, soudait les emplantures sur les cordons de guitare, j’enlevai le fourreau du saxophone alto et de la clarinette basse, m’approchai de Polianskikh et lui demandai, en quelle tonalité nous jouerions la première chanson. Polianskikh me regarda avec étonnement et dit, avec stupéfaction, que, généralement, ‘la’. Quand, satisfait de la réponse, j’allai vers les instruments et commençai à me préparer, Kléméchev s’approcha de moi avec un air d’inquiétude.
– Ecoute, gamin, tu veux jouer ‘la’ aussi, toi?! Tiens compte de ce que j’ai déjà PRIS ‘la’ pour moi, tu compren’, toi?! C’est moi qui joue ‘la’ ici d’habitude!
Jarikov commença à agiter ses baguettes en direction de nous de derrière les tambours.
– Qu’est-ce que c’est que ça?! Comme si vous étiez des gosses! Vous ne pouvez pas partager des tonalités, quoi? A toi, Sergueï, m’adressa-t-il, quelle tonalité te convient-t-elle mieux si on prend en considération tes instruments etc? Si-bémol?
Alors, joue ‘ci-bémol’, toi…
S. Jarikov et S. Létov |
Je sentis que SOROKINE AVAIT ETE ABSOLUMENT DANS LE VRAI. J’attendais tout de la part des musiciens de rock de Russie, cependant je n’étais pas prêt à une approche comme ça. Beaucoup d’ans après, dans son annotation pour le disque Dieu n’existe pas, Andreï Gorokhov écrit au sujet du DK ce qui suit:
« On peut nommer l’activité du DK anti-culturelle et anti-musicale. En effet, elle plonge n’importe quel forme musicale dans l’état de kitsch froid et plastique et nie son existence autonome. Ainsi, le DK a fait voir clairement que le rock commencé par Elvis Presley et les Beetles avait dégénéré et était mort, en laissant après lui-même un cadavre pourrissant, qui a été disséqué par le groupe de Jarikov conséquemment et avec enthousiasme.
Après le DK, le rock-n-roll sincère et naïf, aussi que n’importe quelles dérivées de lui, témoignent inévitablement (au moins sur le sol soviétique) du développement incomplet et de la caractère réactionnaire. Jarikov affirmait que « le rock russe doit sortir du bas de porte cochère ». Et le rock russe non seulement est sorti, mais a entraîné dans le bas de porte cochère tout ce qu’il a trouvé en dehors du bas de porte cochère, en donnant un prix à tout et en plaçant tout sur sa propre place. »
Ce soir-là, on enregistra entièrement tout le album Prékrasni novi mir (Le beau nouveau monde) (autant que je sache, le nom renvoyait simultanément aux paroles de Prospero, un personnage de la Tempête de Shakespeare et au roman de Zamiatine – c’était inhabituel aussi, après les textes misérables adolescents de Machina vremeni (Machine de temps) et des groupes pareils, je vous rappelle que cela se passait en 1984! Sait-on jamais, peut-être, Jarikov voulut faire allusion au titre du livre Amalrika par le moyen du parallèle Zamiatine || Orwell ?).
C’était très significatif comment on réagissait à Léningrad à ma participation aux enregistrements du Orkhestr Dévotchki Kati (Le Orchestre de la jeune fille Katia). Je vous rappelle que la première et la deuxième Pop-mekhanikas eurent lieu en avril à Moscou. La première – Grande Pop-mekhanika – eut lieu dans La Maison de Culture Moskvoretchie, la deuxième – Petite Pop-mekhanika – eut lieu dans le rock-club de MIFI (avec participation d’Egor Létov qui jouait de la guitare basse). Plus tard, quand, à la répétition de la première de Léningrad de Pop-mekhanika pendant le festival dans le rock-club rue Rubinstein, 13, je racontai à Boris Grébénchikov de mon impression du DK, Boris Grébénchikov, qui avait si beaucoup de tact d’habitude, entra en fureur, me traita d’un sot et me demanda si je ne pouvais pas vraiment comprendre que ces gens-là n’étaient que des punks! Kourékhin, au contraire, dès ce moment-là, me questionna régulièrement de Jarikov et de son travail avec le mythe. Il s’intéressa particulièrement à Vassiliev et à la société Pamiat (La memoire), au sujet des rencontres avec lesquels Jarikov me raconta beaucoup à son tour. Tous les deux Kourékhin et Jarikov traitèrent les conceptulaistes de Moscou avec un grand intérêt.
Une fois, une performance étonnante eut lieu. Celle-ci était organisée par Guénnadi Katsov, un poète, qui habite maintenant New York, aux Etats Unis. C’était la performance au GlavAPU (maintenant, cela se trouve entre la Maison de Khanjonkov et le Kloubnabréstskoï (Le club rue Brestskaïa) du quatuor Dmitri Alexandrovitch Prigov – Lév Rubinstein – Sergueï Kourékhine (synthétiseur Yamaha DX-7) – Sergueï Létov (saxophone, flûte, clarinette basse). Nous jouâmes avec Kourékhine la plupart de la soirée, puis Prigov et Rubinstein lurent quelque chose ensemble, ensuite – le duo Kourékhine – Rubinstein (il me sembla alors que sans grand succès) et le duo Prigov – moi, et, en conclusion, une sorte de quatuor jam. Moi, je participais aux actions de Kollektivnyie Deïstvia (Les actions collectives), auxquelles Andreï Monastyrski (Soumnine), Nikolaï Panitkov, Guéorgui Kiséwalter, Nikita Alexeïev, Eléna Elaguina, Sergueï Romachko et Igor Makarévitch participèrent aussi, à partir de 1983 – action M – et jusqu’à la fermeture du KD au mois de mars 1999. Cependant, je n’étais membre d’aucun groupe, bien que je sonorisasse les performances du KD et du TOTART, aidasse à réaliser les actions propres d’Andreï Monastyrski et écrivisse même deux ou trois textes pour Poïezdki za gorod (Les parties de campagne). Tatiana Didénko participait très activement à l’activité du cercle des conceptualistes, peut-être, en faisant quelque chose elle-même ou même en sonorisant quelque chose… On ne sait pas assez bien maintenant ce qu’elle faisait précisément, mais elle était un certain pont virtuel qui liait les conceptualistes clandestins avec le monde soviétique officiel au moyen du fait même de son existence. Je me rappelle qu’un des abécédaires de Dmitri Alexandrovitch (« Trois « O » et un D.A Prigov. KhOR records HCD 056a), c’est à partir de la présentation de laquelle à l’ambassade de la république de Malte que ma collaboration avec cet homme-là et nos performances communes ont commencé et ont eu lieu déjà au cours de 20 ans, fut prédestiné par lui pour un trio – avec Tatiana Didénko qui devait jouer du piano. Dans cet abécédaire-là, on nous mentionna tous le deux – moi qui joue du saxophone et elle qui, autant que je puisse me rappeler, « effleure les touches avec sa main blanche potelée… ».
L’activité de Tatiana Didénko fut récompensé – Dmitri Aleksandrovitch Prigov composa une Echelle Hiérarchique, dans laquelle il attribua le grade de généralissime à Ilia Iossifovitch Kabakov, le grade de général à lui-même et le grade de sous-lieutenant à elle.
Au mois de décembre, probablement afin de célébrer l’attribution du grade de sous-lieutenant à elle par D.A. Prigov, Tatiana décida d’organiser un bal correspondant à la réveillon du Nouvel an (1984 !). Elle se mit d’accord avec la direction de l’école dans laquelle son fils faisait ses études et invita le groupe DK à faire de la musique incognito pendant les danses. Elle invita aussi là-bas Vladimir Sorokine, Andreï Monastyrski et les autres gens aussi que les conceptualistes de Moscou qu’elle connaissait. J’ai particulièrement retenu l’apparition de Andreï Monastyrski, qui évitait toutes sortes d’attroupements. En dehors de son appartement, on ne pouvait le voir que dans les forêts et les champs près du village fabuleux Kiévi Gorki, dans le Champs des Actions Collectives. Andreï vint mais futmasqué – il portait une sorte de chapeau de cuir d’hiver qui couvrait ses oreilles. Il n’ôta pas ce chapeau et demanda tout le temps quand on irait »visser»? C’était la première performance publique, avec ma participation, du groupe DK qui était rendu très clandestin d’habitude. Autant que je puisse me rappeler, il y a eu seulement 3 performances en tout: la deuxième performance eut lieu en 1987 (avec un autre corps qui se composait des jeunes), tandis que la troisième performance eut lieu au club Totchka (Le point) au mois d’avril 2001 avec le corps presque classique (mais sans Morozov et Kléméchev). Le spectacle des conceptualistes dansants aux sons de la musique vivante du DK (Jarikov-Kléméchev-Ianchine-Polianskikh-Létov) était digne de la prise de vues, mais il y a une opinion qu’il n’est pas possible de tourner ou photographier ou enregistrer des spectacles comme ça. Tantôt les magnétophones se cassent ou «mâchent» la bande, tantôt l’obturateur d’objectif grippe ou on oublie d’enlever le couvercle du objectif, tantôt on oublie de pressurer le bouton de pause, etc. Finalement, comme il faut, ce spectacle féerique n’est resté que dans les souvenirs des participants…
conceptualism |
Inscription: « M ». Les ailes d’or et la boule d’argent des Actions Collectives. De gauche à droite (avec omission de certaines dames). Debout: A. Monastyrski, S. Bordatchiov, Médvédéva, P. Pivovarov (Pepperstein), I. Pivovarova, E. Elaguina, V. Zakharov (avec un bandeau sur l’œil), N. Panitkov, I. Tchouïkov, E. Gorokhovski, un américain Tod Bludo, E. Boulatov, Y. Leiderman, S. Mironénko, N. Alekseïev, I. Kabakov
Assis: Kozlov, Létov (avec un cor d’harmonie), V. Naoumets, Svén Goundlakh, V. Mironénko, V. Sorokine
Tatiana Didénko ne se contenta pas de ce qu’on avait été atteint, et me fit connaître un autre ‘rock-group’ – le groupe Tséntr (Le Centre). Il y avait quelque chose allemand fasciste dans ce nom, dans le genre de la « Brigade SS », de laquelle ensuite une lettre se détacha elle-même (de la même façon que la lettre M sur le toit de la Maison de Meubles se détache elle-même en laissant un mauvais mot). Tatiana elle-même, elle s’appelait Bolchaïa Berta (La Grande Berta) dans le groupe. Cependant, tout ne se trouva pas si terrible qu’on l’avait supposé. Il se trouva que c’était un groupe de la Novaïa volna (Nouvelle onde), dans lequel très beaucoup de musiciens de Moscou avaient fait de la musique aux temps différents. Parmi ceux-là, on pouvait trouver mes partenaires d’aujourd’hui Alexeï Borissov et Ivan Sokolovski … D’ailleurs, nous ne faisions pas de la musique dans le Tséntr dans les années quatre-vingt tous en même temps.
A la différence du DK – avec lequel je m’enregistrais seulement et ne me produisais presque jamais, avec le Tséntr, je ne m’enregistrais jamais, au contraire, je me produisais seulement. Le groupe était assez populaire dans les cercles étroits de la Nouvelle onde qui commençait à se propager. On se produisait aux concerts avec les autres groupes de la Nouvelle onde, tel que Bravo, Doktor (Le docteur), Prospekt (L’avenue) – par la suite Notchnoï prospekt (L’avenue de nuit). Je ne pense pas que, avec cette apparence de moi, j’aie cadré avec l’image du groupe. Je discutais constamment avec Andreï Pasternak, le réalisateur du son du groupe, parce qu’il me semblait qu’on donnait trop peu de retentissement pour moi. C’était à cause de ma partie dans le groupe Tséntr que Artiom Troïtski se mit en colère de moi et commença à me critiquer sans cesse partout. C’était étrange, parce que il avait approuvé ma première performance avec l’Akvarium (L’aquarium) (à mon avis, assez indistincte) dans le premier festival du rock-club de Léningrad. Cette critique se poursuivit jusqu’à mon départ du groupe. Alexandre Kondrachkine, le tambour de Stranniye Igri (Les jeus étranges), le groupe principal de la Nouvelle onde à Léningrad, s’intéressait beaucoup à Tséntr, citait la chanson «Les jeune filles aiment des pilotes… ». Mais Vassili Choumov, qui était le chef, l’auteur et le vocalisateur du Tséntr, détestait le rock de Léningrad. « Bob-Tsoï-Maïk, des chose étrangères… », dit-il en crachant. Vassili rebaptisa même son guitariste arménien à « Vinogradov ». En 1986, lorsque je revint du voyage à Novossibirsk, le Premier Rock-Festival de Moscou eut lieu à la Maison de Culture de MIIT, dans lequel je me produisis avec le Tséntr dans la partie troisième du festival. Pendant la vérification du son, les gars du groupe Alissa s’approchèrent de moi et me demandèrent de jouer du saxophone avec eux dans deux chansons. Dans la première et dans la dernière. Nous discutâmes tout avec eux. Au début de la deuxième partie du festival, je sortis sur la scène, me mis en avant près du microphone et commençai à attendre le signal de commencer. Kintchev chanta avec succès « Ma génération se met sous le fouet », mais il n’y eut toujours de signal. Peut-être, je m’étais distrait et ne l’avais pas aperçu… La chanson prit fin, et je quittai la scène avec honte, sans avoir émis un son. Dans la chanson dernière, je décidai de prendre ma revanche – jouer le plus longuement possible – tel solo d’ouragan, dans le genre de cela que j’avais joué dans la Pop-Mekhanika à la fin. J’espère que l’Alissa ne se vexa beaucoup de moi!
Cependant, après la performance dans la troisième partie du festival avec le groupe Tséntr, je fus congédié du groupe. Depuis lors, je n’ai jamais vu Vassili Choumov et ne lui ai jamais parlé.
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