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Karlheinz Stockhausen


«Par voie de Stockhausen». l’interview exclusive de la radio Spéciale avec le maître de la musique moderne.


Karlheinz Stockhausen

La photo est aimablement accordée de monsieur Ingvar Loco Nordin

SR: Bonjour. Pour commencer, en Russie vous êtes déjà considéré comme “musicien classique”. Quelle est votre attitude à ce propos? Pendant son dernier interview à La Radio Spéciale Klaus Schulze a prononcé des mots assez acerbes affirmant que les notions “classique” et “contemporain” se contredisent radicalement.
Stockhausen: Probablement, la Russie est arrivée à ce qu’on pouvait voir cette année à Milan (Italie) – 2500 spectateurs ont visité mon concert qui a eu lieu le 5 mai dans une cathédrale; ou, par exemple, à Kurten (Allemagne) – 9 concerts pendant lesquels les spectateurs des 24 pays admiraient mon œuvre; ou bien à Tokyo (Japon) – 4 concerts du 23 au 26 juin – tous les billets étaient vendus, le public applaudissait debout pendant 30 minutes; ou à Glasgow et Edimbourg (Ecosse) – billets vendus, ovations continues; ou à Stavanger (Norvège) – billets vendus pour tous les 6 concerts, l’enthousiasme infini du public etc. Aujourd’hui le monde est plus prêt à écouter ma musique qu’auparavant.

SR: Une fois Vous avez dit que la musique est un des moyens accessibles (peu nombreux et sous certaines réserves) pour retrouver un être d’Au-delà, un état d’Au-dessus de temps. Expliquez-nous, s’il vous plaît, ce qu’est l’Au-delà d’après Vous. Est-ce que cette notion se rapproche de celle de l’Inconscience collective de Young?
Stockhausen: L’Au-delà signifie pour moi quelque chose d’inexplicable, de surnaturel.

SR: Le philosophe chilien Miguel Serrano a défini la musique comme “archétype suivant le temps”. Et Vous, Vous avez dit que dans la musique le temps disparaissait absolument. C’est très intéressant. Voudriez-vous en parler un peu? Et donnez, s’il vous plaît, vos commentaires à propos de la définition de Serrano.
Stockhausen: Cet état de transfert, du temps arrêté est acquis pas dans la musique en général, mais plutôt dans des œuvres rares concrètes. C’est possible que Serrano ne sache pas très bien mon œuvre.

SR: En suite de la question précédente, si on parle de la musique “terrestre”, c’est-à-dire, musique attachée à la terre, on peut conclure que le rythme périodique – c’est un fait absolument terrestre qui décrit la répétition de quelque chose de simple. Autrement dit, le rythme, est-ce une prérogative du “corps”?
Stockhausen: La beauté de la musique se manifeste dans n’importe quel rythme. Ce n’est qu’une question d’équilibre. Ainsi, si la personne est harmonieuse, ses états physique et spirituel sont toujours bien équilibrés.

SR: Les vibrations sonores – ce n’est qu’une apparence sous laquelle se cache (ou même ne se cache pas) l’esprit, ou c’est plutôt une partie intégrante de ce grand récit sur la voie vers le Centre?
Stockhausen: Une bonne musique est toujours spirituelle, et c’est pas caché, ça s’entend bien. Et c’est le Dieu qui doit être toujours au centre.

SR: Un musicologue russe Andreï Gorokhov a avancé une hypothèse selon laquelle la musique contemporaine se développe d’après deux voies différentes – “Voie de Cage” et “Voie de Stockhausen ”. Qu’est-ce que Vous pensez de cette idée?
Stockhausen: Je n’aime pas le dualisme.

SR: On Vous considère comme une antithèse complète de John Cage. On entend dire que même votre femme et toutes vos maîtresses jouent dans votre orchestre. Cela peut se tourner à une blague, mais quand même, on voudrait bien savoir qui joue de la clarinette basse dans votre orchestre?
Stockhausen: Donc, je compose la musique pour une artiste américaine Suzanne Stephens (clarinette, basset-corne, clarinette basse), depuis l’an 1974, pour une flûtiste danoise Kathinka Pasveer – depuis l’an 1983. Je composais également la musique pour mes fils Marcus et Simon, pour ma fille Angela et pour plusieurs autres musiciens (Je n’ai pas d’ “orchestre”).

SR: On voudrait apprendre des premières mains si la société a été vraiment bien choquée par vos paroles à propos du 11 septembre et si votre appréciation de cet événement a changé depuis? Franchement dire, vos paroles sont devenues un vrai aphorisme en Russie.
Stockhausen: Les journalistes ont déformé mes paroles. Après les explosions du 11 septembre 2001 ont m’a demandé si les protagonistes de mes 7 opéras – MICHEL, EVE, LUCIFER – sont les personnages mythiques. Moi, j’ai répondu: “Non, ils existent même au moment actuel, par exemple, LUCIFER à New York où il a créé le chef-d’œuvre de la destruction”. Les intellectuels du monde entier ignorent toujours l’existence de LUCIFER.

SR: Parlez, s’il vous plaît, de votre orchestre des années 60-70.
Stockhausen: Je ne comprends pas votre question. Vous parlez de mes œuvres d’orchestre? Alors vous pouvez trouver la liste de ces œuvres sur le site www.stockhausen.org

SR: La musique complexe, reflète-t-elle le monde compliqué de l’homme contemporain, ou contrairement, l’humanité se dégrade et devient de moins en moins capable à comprendre la langue musicale proprement dite, en exigent que la musique soit obligatoirement accompagnée du visuel?
Stockhausen: La musique concrète fait découvrir le monde d’hors des limites. Tandis que le monde visuel est toujours superficiel.

SR: Est-ce qu’on peut considérer la musique pop contemporaine comme quelque chose de sérieux qui a enterré une musique complexe et problématique, ou bien c’est une simple conséquence de la loi de ségrégation qu’on peut formuler d’une façon suivante: “A chacun son truc”.
Stockhausen: Si “contemporain” signifie pour vous ce qui se passe ACTUELLEMENT, alors le contenu de mes œuvres est devenu plus compliqué, plus important, plus condensé qu’auparavant. L’auditeur passera le même temps pour comprendre quelqu’une de mes œuvres, que moi, pour la composer. Mais “chacun” ne sous-entend pas la notion du temps.

SR: En suite du thème. Est-ce qu’on peut nommer “la vulgarisation des goûts” un problème grave ou c’est encore une oscillation du balancier?
Stockhausen: Il n’y a pas de “balancier” pour tout le monde: ce qui est vrai pour les uns se trouvant à un de ses bouts, ne l’est pas pour les autres, ceux qui sont à l’autre bout. L’homme choisit lui-même [où se trouver].

SR: Est-ce que la passion générale pour “l’authenticité” c’est plutôt un geste postmoderniste ou nous sommes devenus témoins de la deuxième découverte de la classique?
Stockhausen: Pas plus de “isme”, s’il vous plaît.

SR: Il existe une opinion que c’était vous qui un jour avez réveillé l’intérêt du public à l’Orient musical, qui avez attiré l’attention de plusieurs musiciens à l’Inde et aux autres pays. C’est vrai? Est-ce qu’on peut considérer votre œuvre de la période des années 60-70 comme “psychodélique”?
Stockhausen: C’est vrai, ce que vous dites. En 1963 je parlais et j’écrivais de “la musique mondiale”, c’était lié à mes compositions MOMENTE, HYMNEN, puis en 1966 – TELEMUSIK. «Art psychodélique»? Pourquoi pas!

SR: Dites, s’il vous plaît, quel est le rôle de la Russie dans le développement de la culture musicale mondiale? D’après vous, la Russie, c’est un pays novateur ou ce sont les tendances conservatoires qui y dominent?
Stockhausen: Attendons un peu de donner les appréciations avant que des compositions originales n’apparaissent en Russie. Pour le moment votre pays ne se diffère guère des autres.

SR: Quelle est votre attitude envers l’œuvre de Sofia Goubaïdoullina? Vous êtes de bons amis avec elle, n’est-ce pas?
Stockhausen: D’après les choses que j’ai écouté, je peux dire qu’elle emprunt trop des autres compositeurs.

SR: La question traditionnelle de La Radio Spéciale – Vos souhaits aux musiciens débutants.
Stockhausen: Travailler, répéter, expérimenter avec beaucoup de zèle, et apprendre toujours de nouvelles choses!

Septembre 2005

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Le site officiel: www.stockhausen.org

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